L'histoire de Bristol jusqu'en 1497
Située dans le sud-ouest de l'Angleterre, Bristol était non seulement l'un des ports commerciaux les plus achalandés du pays, mais aussi l'une des collectivités les plus riches du comté de Somerset pendant le Moyen Âge tardif. Ce port a joué un rôle vital sur le cours des événements ayant mené Jean Cabot à découvrir les « terres neuves » (“new founde landes”). Quels sont les facteurs déterminants qui ont fait de Bristol un port aussi important et stratégique du 15e siècle en cette époque où l'Angleterre était considérée comme une puissance secondaire en Europe? Et pourquoi Cabot a-t-il porté son choix sur Bristol plutôt que sur des ports italiens ou espagnols considérés comme plus importants? Même si le port de Bristol aurait probablement poursuivi son expansion après la fin du Moyen Âge, ce sont les exploits de Cabot qui ont incité d'autres explorateurs à entreprendre des expéditions similaires, lesquelles ont permis d'assurer la pérennité du nom de cette ville à travers l'histoire.

Histoire et origines
Bien que les origines de nombreuses villes anglaises datent de l'époque des invasions du Haut-Empire romain menées vers 43 av. J.-C., celles de Bristol ne sont pas aussi évidentes. C'est au milieu du 11e siècle qu'un tout premier nom a été enregistré pour cette région. Brygestowe, comme on l'appelait alors, signifiait simplement « la place de l'assemblée près du pont ». À la fin du 15e siècle, le nom de ce lieu s'épelait et se prononçait ainsi : Bristowe (Walker, p. 5; Morison, p. 161).


On croit traditionnellement que la collectivité de Bristol a été établie par les Anglo-Saxons près de la boucle où se rencontrent les rivières Avon et Frome. Pendant le Haut Moyen Âge, ils ont choisi la petite péninsule située à la jonction de ces deux rivières pour construire un pont au-dessus de l'Avon et un village tout autour (Morison, p. 161).
Bon nombre d'historiens croient que la collectivité était plutôt prospère dès les toutes premières années de son édification. Cette hypothèse a été renforcée par des découvertes archéologiques qui ont démontré que des pièces de monnaie avaient été frappées à Bristol au cours du règne de Knut le Grand (1016-1035) et peut-être même plus tôt, soit pendant le règne du roi Æthelred le Malavisé (978-1016). Un indice de l'essor de Bristol au cours du Moyen Âge a été trouvé ultérieurement dans le Livre du Jugement dernier (Domesday Book), un grand inventaire des propriétés terriennes et des richesses qui a été compilé par le roi Guillaume le Conquérant lors du recensement de 1086. On peut lire dans ce document que Bristol était la ville la plus grosse après Londres, York et Winchester (Walker, p. 5; Wilson, p. 45).
Guillaume le Conquérant (1066-1087) a doté Bristol de son propre hôtel des monnaies – une preuve de son importance et de sa richesse même pendant le Moyen Âge – et il a construit une motte castrale, un genre de château-fort primitif, qui rivalisait avec la tour de Londres.

Certains croient qu'une déclaration du roi Étienne d'Angleterre, un Normand ayant régné au milieu du 12e siècle, aurait particulièrement contribué à établir le statut de port de mer de la ville de Bristol, qu'il décrivait ainsi :
[…] pratiquement la ville la plus riche du pays, elle reçoit des marchandises acheminées par vaisseaux depuis des pays étrangers; située au cœur de la partie la plus prospère de l'Angleterre, tout près du lieu le mieux défendu de toutes les villes d'Angleterre (Wilson, p. 45).
![Armoiries de la Society of Merchant Venturers [Société des Marchands aventuriers] Armoiries de la Society of Merchant Venturers [Société des Marchands aventuriers]](images/armoiries-society-merchant-venturers.gif)
L'économie de Bristol
Une grande partie de la prospérité de Bristol reposait sur le commerce de la laine avec l'Irlande. On a estimé qu'au 15e siècle l'Irlande achetait au moins le tiers des tissus exportés de Bristol. En retour, Bristol recevait de la marchandise valant près de deux fois plus cher : maïs, lin, bois d'œuvre, bétail et poisson (des produits de base de l'alimentation anglaise). La réputation de la laine anglaise s'étant vite répandue dans toute l'Europe, le commerce de Bristol a connu un véritable essor jusqu'en mer Baltique (Carus-Wilson, p. 2-3; Kemp p. 110).
La collectivité a commencé à prospérer dès 1247 quand la rivière Frome a été déviée pour se déverser dans le fleuve Severn. En 1373, Bristol a reçu une chartre royale lui accordant le statut de comté, ce qui a favorisé le commerce à une plus grande échelle, notamment avec le Portugal, l'Espagne, la Méditerranée et l'Islande.
Le prestige de Bristol reposait sur une économie centrée à la fois à l'intérieur des terres et outre-mer. Des denrées affluaient depuis de nombreuses collectivités anglaises dont Chester, Milford Haven, Londres et Plymouth. Le transport était facilité grâce à la proximité de cours d'eau tels que la rivière Avon et le fleuve Severn. Ce système relativement efficace de voies navigables permettait aux différentes régions de l'Angleterre d'envoyer une multitude de produits (fer, bois d'œuvre, tissu, laine, poisson, produits agricoles, étain) jusqu'au port de Bristol. De là, elles étaient acheminées ensuite vers l'Irlande, le nord de l'Europe, la France et l'Espagne. En échange, Bristol importait des denrées comme du vin, des épices et de l'huile d'olive (Carsus-Wilson, p. 1; Williams, p. 16).
Deuxième port en importance après Londres, Bristol offrait plusieurs avantages par rapport aux autres ports de mer de l'époque. Ses marées exceptionnelles pouvant atteindre jusqu'à 15 mètres de hauteur, cela permettait aux vaisseaux de traverser rapidement les gorges boisées et étroites de la rivière Avon pour aller s'amarrer dans le port bien protégé de Bristol, à l'abri des invasions d'étrangers et de pirates (Carsus-Wilson, p. 2).
Son site privilégié, de même que sa longue tradition en tant que centre dynamique du commerce européen, ont contribué à établir la réputation de Bristol auprès des marchands et des marins. Ainsi, lorsque Cabot a porté son regard vers l'Angleterre, ce port de l'Atlantique faisant face à l'ouest lui a sûrement semblé un choix évident.